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Ma petite vie et ma passion en direct live !

14 Nov

L'Afrance de Alain Gomis

Publié par Henri

L'Afrance de Alain Gomis

C’est un beau titre que celui de L’Afrance, et le film s’inscrit pleinement dans la sphère ainsi circonscrite. Ce que dit L’Afrance c’est l’utopie d’une fusion bénéfique (Afrique + France), qui devient lorsqu’elle est incarnée une négation (Afrance, comme apatride), celle de l’identité d’un individu. C’est tout le drame que relate le film et qui est posé parallèlement au niveau concret et « pathétique » de l’individu (El Hadj, sénégalais venu étudier en France et qui compte bien retourner dans son pays pour y être utile mais qui va voir ses certitudes vaciller et ne plus savoir sur quelle terre poser ses pieds) et au niveau abstrait et politique de la nation (le Sénégal aux prises avec le post-colonialisme).
L’une des réussites de ce premier film audacieux est de parvenir à croiser avec habileté le destin individuel et l’Histoire, un questionnement éthique et un questionnement politique. Ce pari est en grande partie réussi grâce au montage non linéaire qui, ignorant dans un premier temps chronologie et logique nous fait entrer dans le film de plain pied dans l’univers mental de son héros. Celui-ci démarre avec les idées claires mais la mise en scène même nous le dit : son esprit est divisé et chaotique. S’y mêlent les réminiscences de son pays natal, ses rêves de grandeur politique et d’étranges images récurrentes où l’on voit dans une salle de classe sénégalaise un jeune garçon récitant un texte où il est question du pouvoir de l’école nouvelle (celle des colons) pour achever la colonisation : plus puissante que les canons elle permet de gagner les esprits. Toute la question est de savoir si ce que l’on y apprend est à la mesure de ce que l’on y oublie. On apprend plus tard dans le film que ce texte est tiré du roman sénégalais le plus célèbre, qui occupe ici la place centrale de contrepoint à l’histoire de El Hadj. Là où le roman semble fonctionner ouvertement comme une parabole de la destinée post-coloniale de tout un pays (toute une génération) voués à la schizophrénie et à l’écartèlement destructeur, le film trouve sa voie propre en choisissant son héros contre son propos. A plusieurs reprises on craint la noyade dans le « film engagé » avec des dialogues parfois sentencieux et à forte teneur philosophico politique. Mais comme El Hadj apprend à dépasser le cadre étroit de ses idées préconçues, le réalisateur en le suivant au plus près nous sauve d’un film à thèse de plus. C’est au bout du compte à un homme qu’on s’attache, à ses contradictions, à ses rêves et à ses amours. En tournant le dos à la tragédie exemplaire, au risque de tomber dans la banalité et le déjà vu, il nous rappelle que les crises identitaires (à l’échelle d’un homme ou d’un pays) peuvent aussi être des crises de croissance.

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